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Consécration : “l'homme plastique” décoré de l'Ordre national du mérite.

Lundi 8 Août 2016

Après Amadou Sy, ce bénévole qui régule la circulation à Hann, recruté dans la fonction publique, le président de la République, Macky Sall, a élevé un autre bénévole. Modou Fall, “l'homme aux déchets plastiques” a été décoré de l'Ordre national du mérite. Une consécration pour cet homme qui était même considéré comme un fou par certains.
Taille longiligne, noirceur d'ébène, âgé de 47 ans, Modou Fall est un natif de Dakar, plus précisément de la rue 5 de la Médina. Marié et père de 4 enfants, dont deux décédés, il a fait de la lutte contre les déchets plastiques un sacerdoce.
Pourtant, il y a juste quelques petites années, si quelqu’un lui avait soufflé à l’oreille que sa vie se résumerait à se vêtir d’ordures de la tête aux pieds, à errer dans les rues pour sensibiliser les populations sur le danger des sachets plastiques, Modou n’en croirait pas ses oreilles.
Orphelin de père et mère
Issu d’une fratrie assez large, avec des frères et petites sœurs, le défenseur de la nature a, en effet, très tôt pris son destin en main. Orphelin de père à l’âge de deux ans, il n’a pas attendu l’aide de son frère ainé pour s’en sortir. Sa famille divisée après le décès de sa mère, il part vivre à Pikine, chez ses grands parents paternels. Là-bas, il complète une éducation faite de valeurs, sous l'aile protectrice de ses tantes et oncles. Ses études s'arrêtent en classe de Cm2. Il se cherche alors un métier, titille la tôlerie et la menuiserie avant de devenir marchand ambulant, auprès d’une tante au marché Sandaga. Deux ans et demi à errer dans les rues de Dakar pour écouler sa marchandise et le voilà à l'âge de la maturité.
Il a 18 ans. Sa mère décède, le plongeant dans une douleur indescriptible. «La perte de ma mère a été la plus dure chose qui me soit arrivée de toute ma vie. Ma mère n’étant plus là, il fallait que quelqu’un assure les besoins de la famille», dit-il. Il s'enrôle dans l’armée et le voilà à Bango où il affronte vaillamment une formation faite de privations. Après son initiation au centre d'instruction, il est affecté à la gendarmerie. Au bout de ses deux ans de durée légale, il quitte la tenue et retourne à Sandaga comme marchand ambulant. Les responsabilités commencent à peser sur ses épaules. Il prend une épouse, Lissa Ndiaye, surtout pour rassembler sa famille, dit-il.
Mais même s'il a quitté la tenue, l'armée a déteint sur lui. Il est plus sensible aux autres, plus patriote qu'il ne l'était et cherche à faire quelque chose pour son pays. Servir les autres devient son sacerdoce. Pour commencer, il s’occupe bénévolement de la propreté du marché Sandaga et de la mosquée de ce marché.
Ancien soldat, ramasseur d'ordures
Tout commence en 2006. Modou Fall cherche des bouteilles d’eau et les met à la disposition de la mosquée pour les ablutions. Plus tard, il cherche des sacs de riz vides, les tisse, les lave et les étale dans les rues et dans la mosquée pour la prière de vendredi. Lorsque le marché Sandaga reçoit un trop plein d'ordures, il improvise une journée «Set Sétal». Avec ses talents de rassembleur, il ne tarde pas à rallier à sa cause d'autres marchands ambulants. Petit à petit, des gens adhèrent. Il crée alors une association dénommée «Sénégal propre» en 2008. Association dont le but était de se déplacer dans les quartiers, mosquées, voies publiques, quartiers, cimetières, entre autres lieux, pour les nettoyer. Mais son ambition dépasse ses moyens financiers. Il ne désespère pas pour autant. Après avoir récupéré sa mise d'une tontine de 300.000 francs, il consacre entièrement la somme à l’achat de matériels pour son association. Sa famille peut attendre. Elle vivra de ce qu'il gagne quotidiennement en tant que marchand ambulant.
Modou Fall commence alors à se faire un nom à travers les œuvres de son association. Mais, aucune autorité ne pense l'aider dans son initiative. A part une lettre que l'ancien président Abdoulaye Wade lui avait envoyée pour le féliciter, rien d'autre n'est fait. Toutes ses démarches auprès des tenants du pouvoir de l'époque restent vaines. Son association se console quand même avec des prix nationaux et gagne... 2 pelles, 2 râteaux et une brouette en guise d’appui de la part de l’Etat. Après cela, beaucoup de membres de son association, découragés, perdent patience et jettent l'éponge. Lui, il tient bon et continue son combat.
Et « l’Homme plastique » voit le jour
2010 sonne. Il est temps pour l’association de changer de fusil d'épaule pour plus de visibilité. «Il fallait que les gens nous connaissent. Parce que nous existons pour eux». Modou a pensé que la meilleure manière de faire était de porter le combat. «Porter» au vrai sens du terme. L’idée lui vient alors de confectionner une tenue avec des déchets plastiques. Il en parle aux membres restés dans l'association et personne ne veut le suivre dans son idée de “fou”. Naturellement, il se porte volontaire. «L’homme plastique» est né. Il renonce à tout ce qui est transport commun et ignore le regard «méprisant et sévère» des autres. Sa détermination est plus forte que tout. Il parcourt Pikine et Sandaga tous les jours à pieds, muni de son charriot sonorisé sur lequel il est écrit : «Non aux déchets plastiques”. Cependant, son accoutrement lui vaut bien des déconvenues. L’accès à certains endroits et structures lui est interdit. «On m’a insulté, mal jugé, stigmatisé, fui. On me prenait pour un fou», dit-il en riant.
Lors d’une randonnée pour la lutte contre le virus Ebola au Sénégal, Modou vit même la pire expérience de sa vie. Quelqu’un, une autorité, l’accuse d’avoir volé son portable. «J’ai été humilié et cela a été mon plus mauvais souvenir. Le gars qui m’a accusé est un personnage public. Il me connaissait bien. Les vigiles à qui j’avais confié mes affaires m’ont encerclé, tout le monde me regardait. Le monsieur a fouillé mon sac et n’a rien trouvé. J’avais peur, c’est vrai, mais à la fin j’étais soulagé. Comme si ce n’était pas suffisant, il m'a demandé de me déshabiller. Je n’en revenais pas, mais j’ai obéi. Il ne me restait plus que ma culotte. C’était la plus grande honte de ma vie. Après, j’ai pris mes affaires et je suis parti», dit-il.
Cette mésaventure ne l'a pas découragé pour autant. En tout cas, pas au moment où son combat commence à porter ses fruits avec le vote de la loi sur l'interdiction des sachets plastiques à faible micronnage.
«C’est aujourd’hui que je vais encore plus porter ma tenue. Maintenant qu’il existe une loi qui interdit la production, l’importation, la détention et la distribution de déchets plastiques, mon combat ne fait que commencer», prévient-il. Surtout que les autorités ont enfin reconnu son combat. Un jour qu'il rentrait du palais, il a reçu un coup de fil du palais, l'informant que le Président de la République a décidé de le décorer pour son combat citoyen. Il en pleurera le joie, revigoré à jamais.
En attendant de voir l’évolution et l’application effective de cette mesure, Modou Fall joue sa partition dans la lutte, en vendant des sachets en papier à la place de ceux en plastique. Patriote il est. Patriote il mourra.
 
 

Auteur: Adama Anouchka Ba - Seneweb.com



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