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Oumar SARR, patron de l'autre opposition

Lundi 20 Janvier 2020

Profitant de l’absence des ténors à la table des négociations, de la dislocation du Front de résistance nationale sur cette question, il est devenu un des interlocuteurs privilégiés des représentants de la majorité au dialogue national


Dissident du Parti démocratique sénégalais, Oumar Sarr a réussi, malgré la volonté de son ex-mentor Abdoulaye Wade de le neutraliser, à s’imposer comme un des principaux leaders de l’opposition participant au dialogue national. Profitant de l’absence des ténors à la table des négociations, de la dislocation du Front de résistance nationale sur cette question, il est devenu un des interlocuteurs privilégiés des représentants de la majorité.

Dans l’ombre de Wade pendant des décennies, Oumar Sarr a pris, depuis mai 2019, sa propre voie. Devenant ainsi l’une des principales cibles de son désormais ex-mentor Abdoulaye Wade et de ses ouailles. Ces derniers le considérant comme démissionnaire du Parti démocratique sénégalais (PDS). Depuis lors, à tort ou à raison, ses rapports avec le pouvoir en place soulèvent des suspicions.

Dans le cadre du dialogue national, en tout cas, l’homme est en train de s’imposer comme un interlocuteur privilégié du camp de la majorité présidentielle. Ce qui s’explique, d’une part, par l’absence des plus grands partis de l’opposition, d’autre part, par son statut au sein du Front de résistance nationale (FRN). Le professeur Moussa Diaw explique : ‘’Oumar Sarr est un leader incontesté dans le Front de résistance nationale. Quel que soit le reproche qu’on puisse lui faire, il a su prendre son courage et ses responsabilités à temps, pour prendre son destin en main. Puisque, pour Wade, seul Karim semble compter.’’

Aujourd’hui, Oumar Sarr mène son propre combat en tant que leader politique, à la tête du mouvement And Suxali Sopi lancé en août 2019. Ainsi participe-t-il aux différentes activités de la vie publique et politique. Et c’est tout à fait légitime, si l’on en croit Pr. Diaw. Qui estime que le dissident du PDS est en train de jouer un rôle majeur, aussi bien dans le FRN que dans le dialogue national et politique. Il est évident, souligne l’analyste politique, que l’ancien SGA du PDS, vu son parcours, ‘’ne peut se contenter d’un statut de figurant dans cet espace. Et cela n’est pas pour plaire à Maitre Abdoulaye Wade et au PDS’’.

Bien que son poids politique ait encore du mal à dépasser les frontières de son Dagana natal, Sarr n’en demeure pas moins une force au sein du plus grand cadre regroupant les partis de l’opposition.

Sa proximité avec les gens du pouvoir, dans le cadre du dialogue national, fait de lui le chef de file de cette opposition. Reléguant, même parfois, à l’arrière-plan, Moctar Sourang, pourtant coordonnateur du FRN. Du côté du Parti démocratique sénégalais, cela ne surprend point. ‘’En fait, confie un responsable libéral, il faut savoir que ce front a été fabriqué de toutes pièces par le PDS. Si Moctar Sourang est aujourd’hui à la tête du front, c’est parce que le PDS l’a voulu. En tant que secrétaire général adjoint du parti à l’époque, Oumar Sarr a su développer un tissu de relations avec les membres du FRN. C’est pourquoi il continue de jouer ce rôle avec Mamadou Diop Decroix, malgré son départ du PDS’’.

Disciple d’Abdoulaye Wade, Oumar Sarr connait l’art de faire des crocs-en-jambe en politique, de se positionner dans la jungle politique nationale. Exclu de l’instance dirigeante du Parti démocratique sénégalais depuis août 2019, il se bat de toutes ses forces pour ne pas se laisser écraser par son ex-mentor. Le moins que l’on puisse dire c’est que, jusque-là, l’ancien bras droit de Wade parvient à surnager. Ce, malgré les nombreuses tentatives du PDS de l’isoler.

 En effet, aussi bien le retour des Libéraux dans le dialogue politique que la rencontre entre leur boss et le chef de l’Etat n’ont, pour le moment, eu raison de sa ténacité. Le dernier bras de fer remporté par l’homme fort de Dagana, c’est sa cooptation dans le Comité de pilotage du dialogue national. Même s’ils ne le disent pas, les Libéraux auraient souhaité le contraire.

2016, début du rapprochement avec le régime

Mais entre Oumar Sarr et le régime, le rapprochement remonte, au moins, à 2016. Malgré un passé difficile, le maire de Dagana est, au fil des années, passé d’ennemi juré à interlocuteur assez singulier du chef de l’Etat. Au dialogue national de mai 2016, il était au cœur de la participation du Parti démocratique sénégalais, malgré le refus initial de Wade. Babacar Gaye révélait, lors du lancement du mouvement And Suxali Sopi : ‘’J’étais le seul à soutenir Abdoulaye Wade dans sa position (refus de participer au dialogue) comme je l’ai toujours fait. J’étais alors à Kaffrine. Lui-même (Wade) m’avait appelé pour me demander de revenir à Dakar puisque, disait-il, ignorant certainement ce qui était en jeu, la direction (Oumar Sarr et les autres) voulait participer au dialogue alors que lui n’était pas d’accord. Je lui ai dit que je ne peux pas venir, mais j’ai appelé d’autres responsables dont Fabouly Gaye, Toussaint Manga, Ablaye Faye, Farba Senghor pour leur demander d’aller défendre cette position qui était celle du président…’’

Finalement, Oumar Sarr, qui avait déjà convaincu Karim Wade de l’intérêt de participer au dialogue, finit par obtenir gain de cause. Wade lâche prise et autorise le parti à aller à la table des négociations.

Déjà, Oumar avait des entrées au palais, au moment même où son parti prenait ses distances avec la présidence, que son candidat était dans les geôles. Et c’est lui-même qui faisait la révélation, toujours à l’occasion du lancement de leur mouvement. Sans entrer dans les détails, il avait révélé son audience avec le chef de l’Etat en 2016 pour négocier la libération de ‘’son frère’’. Suite à l’accord de Macky Sall, il s’en est ouvert à Wade fils qui était d’accord. La condition, c’était la participation au dialogue politique. Une information que les comploteurs n’ont donné à Wade qu’au dernier moment.

Il aura fallu plus de trois ans, pour assister à un remake de la situation. Encore le chef de l’Etat qui appelle au dialogue ; encore Oumar Sarr qui décide de répondre ; encore Wade qui refuse de participer. Le fait nouveau, c’est que, cette fois, en plus du désaccord du père, Oumar Sarr se heurte au veto du fils. Il s’entête quand même et fonce à la salle des banquets du palais de la République, le 28 mai 2019. Sur place, il disait : ‘’J’ai pris la responsabilité de participer au dialogue pour répondre à l’appel du Sénégal qui est au-dessus de tous les partis politiques. Donc, quand le Sénégal appelle, je dois répondre, même si un communiqué du PDS dit le contraire. Je ne sais pas d’où vient ce communiqué et comment on l’a écrit. Ma responsabilité est de venir parler aux Sénégalais.’’

‘’On note une nette différence entre les approches de Wade et d’Oumar’’

Dans sa guerre contre son ancienne formation, Oumar Sarr peut compter sur le président Macky Sall qui le convie à toutes les rencontres. Il peut aussi compter, pour le moment, sur le soutien de ses camarades du Front de résistance nationale, entité dont il a été un des principaux bâtisseurs. Dernièrement, le parti de Wade a réagi vigoureusement, en claquant la porte dudit cadre qui regroupait les partis de l’opposition. Aussi, le PDS accuse certains responsables dont son dissident d’être de connivence avec le chef de l’Etat.

A en croire Moussa Diaw, c’est juste un mauvais procès. ‘’En tout cas, jusque-là, il n’y a aucun signe qui le démontre. Peut-être, quand il y aura des enjeux, on y verra plus clair. Ce qu’on peut dire, c’est qu’Oumar assume ses divergences avec le parti de Wade qui essaie de le discréditer. C’est de bonne guerre’’, analyse le politologue. De l’avis de Prof Diaw, un rapprochement entre ces parties est difficilement envisageable, à l’heure actuelle. ‘’On note une nette différence entre les approches de Wade et d’Oumar. Wade est dans la radicalisation, alors qu’Oumar est dans les dispositions de dialoguer. Chacun va essayer de tirer son épingle du jeu, mais séparément’’.

Toutefois, malgré le courage, malgré la caution du chef de l’Etat et de ses alliés de l’opposition, Oumar Sarr et son mouvement semblent souffrir d’un mal congénital. Le Pr. Diaw justifie : ‘’Le mouvement manque de dynamisme au niveau national. En dehors d’Oumar Sarr, les autres (Amadou Sall et Babacar Gaye) n’ont pas de base. Et c’est ce qui fait la faiblesse de ce mouvement. Si Oumar était entouré d’hommes et de femmes ayant une base, cela pourrait doper la structure. Mais c’est loin d’être le cas. Quelque part, on a l’impression que ça ne bouge pas. Certes, ils ont résisté à Wade, mais ils n’ont pu proposer une alternative solide leur permettant de débaucher d’autres responsables du PDS.’

Mor Amar  



 


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