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Contrat de déssalement : des experts sonnent l'alerte

Dimanche 14 Avril 2024

Dans une tribune commune, des experts du secteur de l’eau sonnent l’alerte sur le contrat de dessalement de l’eau de mer signé in extremis à la veille de l’élection présidentielle.


Contrat de déssalement : des experts sonnent l'alerte
En inscrivant la réalisation du Canal du Cayor, projet à très haute valeur ajoutée sur l’économie nationale, parmi les objectifs prioritaires du quinquennat, le nouveau Gouvernement du Sénégal a d'ores et déjà exprimé sa volonté de mettre en œuvre ce projet de grand transfert d’eau brute depuis le lac de Guiers, pour à la fois, assurer l'approvisionnement en eau potable à long terme du triangle urbain Dakar-Mbour-Thiès (DMT) et de la ville de Touba, et l'irrigation de zones agricoles stratégiques à l’intérieur du pays.
 
Alors que l'attention nationale était captivée par l’issue de l’élection historique marquant la troisième transition démocratique au Sénégal, une décision controversée du Président sortant Macky Sall, suscite de vives inquiétudes. À l'ombre des projecteurs politiques, un contrat de 450 milliards de FCFA a été signé par entente directe avec une entreprise privée étrangère, pour l’achat d’eau sur 35 ans, à partir d’une usine de dessalement d’eau de mer de 400.000 m3/j à construire sur la Grande-Côte des Niayes. Si ce contrat, dont l'ampleur et les implications socio-économiques suscitent moult interrogations était confirmé, la réalisation du projet Canal du Cayor serait de facto compromise, car les deux opérations ne peuvent manifestement pas être exécutés sur le même horizon temporel, pour des raisons économiques évidentes.
 
Sous l'angle de l’éthique et de la procédure, la signature de ce gros contrat par un Président en fin de mandat, sans appel d’offres ni consultation, jette le doute sur l'intégrité du processus décisionnel. Les réserves des experts du secteur de l’eau, concernant la pertinence et le coût exorbitant du projet et son impact sur l’équilibre financier du secteur de l’eau, semblent avoir été purement ignorées. Aussi, l'empressement avec lequel le contrat a été ratifié, en présence du Chef de l’Etat lui-même ainsi que le Ministre de l’Eau et le Ministre des Finances qui ont contresigné le contrat séance tenante, nécessite des explications aux citoyens sénégalais qui revendiquent une gouvernance transparente et responsable.
 
Sur le fond, l'argument du Président Sall, selon lequel le projet n'alourdira pas la dette nationale, n’est pas soutenable. L'absence de précisions de sa part sur le coût élevé de production de l'eau dessalée qui sera trois fois supérieur à celui du système actuel augure, soit une augmentation significative du tarif de l'eau au consommateur, ou une subvention étatique colossale estimée à plus de 40 milliards FCFA par an, pour le maintien de l’équilibre financier de la SONES qui pendant 30 ans, a pu mobiliser des financements importants et supporté toute seule la dette du secteur. Ces coûts induits, qui pèseront inéluctablement sur les épaules du contribuable sénégalais, sont d'autant plus préoccupants que le projet est en désaccord flagrant avec la stratégie nationale de gestion des ressources en eau et les recommandations de l’étude sur la sécurité de l’eau dans le triangle Dakar Mbour Thiès (DMT) à l’horizon 2050.
 
En effet, le plan national de mobilisation des ressources en eau prévoit une étape intermédiaire de dessalement d'eau de mer d'une capacité limitée de 100 à 150.000 m3/j, comme appoint en attendant la mise en œuvre du projet de grand transfert d'eau à partir du lac de Guiers, destiné à sécuriser l’alimentation en eau à long terme du triangle DMT. Le gigantesque projet de dessalement de 400.000 m3/jour, très coûteux en énergie avec des impacts considérables sur l’environnement marin, va inéluctablement compromettre cette vision stratégique adoptée en concertation avec tous les acteurs.
 
Il est donc crucial pour le nouveau Gouvernement de réexaminer au plus vite ce contrat de dessalement signé illégitimement dans l'urgence et sans concertation publique, en le replaçant dans le contexte originel de la stratégie nationale de mobilisation des ressources en eau, afin d’éviter la répétition des erreurs qui avaient, il y a trois décennies, entravé la réalisation du Canal du Cayor ! Il y va de la responsabilité des nouvelles autorités du pays envers le peuple sénégalais et de l'avenir du développement durable du secteur de l’eau au Sénégal dont les performances sont reconnues à travers le monde entier grâce à une politique judicieuse d’investissement.  
 


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