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ABDOULAYE WADE : MAÎTRE DE LA POLIORCÉTIQUE - Par Professeur Samba Taroré.

Jeudi 1 Mai 2014

Le retour, tant attendu de Maître Abdoulaye Wade, aussi bien par ses partisans, le pouvoir en place que le peuple sénégalais dans son écrasante majorité, pour des raisons diverses et variées, appelle de ma part un commentaire. Il s’agit d’un commentaire naïf d’un candide en politique, mais qui s’essaie à l’observation de la chose politique depuis fort longtemps.


La vie des peuples est ponctuée par des phénomènes de ce genre, par des hommes de ce genre, et ce depuis l’antiquité. Ramsès 1er, Ramsès 2 et 3, Alexandre le Grand, Jules César, Bonaparte, Sunjata, Le Sonni Ali Ber pour ne citer que ceux là, et Abdoulaye Wade, font partie de cette race. La polyorcétique, c’est l’art d’assiéger les fortifications et les châteaux et de réussir à les prendre, parfois à échouer. Maitre Wade, à l’instar de ceux que je viens de citer, n’a-t-il pas assiégé pendant 26 ans la fortification Ps, avant de l’emporter en 2000 ? Recommencerait-il ? Cet homme n’est pas ordinaire et le pouvoir de Macky Sall à eu tort de minimiser ses capacités des nuisances, car Wade, pour qui le connait, est plus dangereux dans une posture d’opposant que dans le pouvoir.

L’arrivée récente de Maître Wade et tout ce que les sénégalais ont vu, entendu et vécu des derniers jours n’est que le déroulement d’un plan savamment conçu et mené par étapes depuis au moins un an. Il a d’abord procédé par des leurres, en annonçant à chaque fois un retour, toujours reporté. Combien de fois, à travers les média et les déclarations de ses partisans, a-t-on annoncé même des dates de retour, reporté ? Première étape de la polyorcétique de Wade : long silence, velléité de retour, utilisation calculée de la presse, son plus grand allié dans cette campagne. Par cette méthode, Wade a jaugé la solidité des remparts et des défenses. Deuxième étape, Maitre Wade a commencé, alors qu’on attendait peu ce phénomène, à parler dans les média, son jeu favori. Mais, très calculateur, à partir de l’étranger : Dubaï, Abidjan, Brazzaville. C’est l’étape du BOBARD MEDIATIQUE, auquel le pouvoir en place n’a pas réagi.

A travers ces bobards médiatiques, Wade a clairement déclaré ses intentions, ce pour lequel il se bat. Manipulation de l’opinion internationale et nationale. Dans la presse du week-end, un ministre de Macky Sall a dit que Wade ignore les règles qui s’imposent à la diplomatie et à son statut d’ancien président de la République. Que non, Wade est trop fort pour ignorer ces règles élémentaires de la diplomatie. Il les foule tout simplement aux pieds, le but poursuivi étant plus important à ses yeux. Le pouvoir en place, face à ce siège, a mollement réagi. Je pense, sincèrement, que Macky Sall n’a pas de conseillers, de bons conseillers en stratégie politique. Il a simplement des partisans et des militants qui, à la moindre occasion, se muent en porte-paroles. Or le propre d’un conseiller est justement de rester invisible et de donner les bons conseils au Président qui choisit le moment et le lieu opportuns pour les utiliser.

Une petite anecdote : le conseiller juridique de Senghor, ainsi que son conseiller en architecture, ne sont connus qu’en 1978, l’un surtout à l’occasion du bras de fer avec Cheikh Anta Diop, un certain Bruno Bontemps si mes souvenirs sont exacts. Des conseillers qui investissent les media tous les jours, ne conseillent pas le Président, mais émettent beaucoup plus des opinions personnelles. Voilà des failles, entre autres, que Abdoulaye Wade n’a pas manqué d’exploiter. Parce que, au fond, personne d’entre eux ne connait réellement Wade. Personne ne connait Wade, et tout ceux qui ont travaillé avec lui, qui ont même étroitement collaboré avec lui, et ils sont nombreux, n’avaient ni le temps, ni l’ambition, ni même le courage de le connaitre. Ils se limitaient seulement à leur rôle de serviteurs. Seul Abdoulaye Wade connait Wade.

Par contre, Wade lui, les connait, pour avoir formé la plupart d’entre eux, militants premiers de l’APR comme transhumants. Voilà l’arme de Wade, et qu’il a utilisée dans le présent siège qu’il entreprend contre le Fort. Et malheureusement, à part quelques réactions timorées, les calculs du Président Wade se sont révélés presque destructeurs, en arrivant à retourner toute l’opinion avec ce retour une première fois reporté, je pense sincèrement à dessein. Je ne suis pas dans les secrets de l’Etat et de cette affaire, mais je suis à peu près sûr que Maître a entretenu à dessein ce problème de blocage d’avion à Casablanca, s’il ne l’a pas provoqué lui-même, toujours dans ce plan concocté depuis longtemps, ou du moins il aura profité des grosses failles dans la communication gouvernementale pour consolider sa stratégie. Et je pense, sur cet aspect, que Wade a largement réussi, et il continue à la dérouler.


Mais cette stratégie de Wade recèle des faiblesses. Le géant Wade n’est pas invincible. Il a une UNE FAIBLESSE. Certains analystes ont affirmé que l’arrivée de Wade allait bouleverser la donne politique et électorale, et que sa présence va revigorer le PDS en vue des locales prochaines. C’est peut-être vrai dans un sens, mais pas dans l’absolu, car moi je crois que cela ne peut être qu’un bénéfice collatéral. Parce que toute cette polyorcétique de Wade n’a qu’un seul but, sauver son fils. Wade est venu pour son fils et non pour le Sénégal, ni pour le PDS. Les hommes sensés au sein du PDS le savent bien, quand on décortique son discours depuis la presse étrangère jusqu’à ses bobards médiatiques dans les pays africains, et à son arrivée à Dakar. Wade, il peut volontiers le croire et le faire croire, n’est pas DE GAULLE, quand il se met dans cette posture, pour sauver le Sénégal. De Gaulle a libéré la France envahie, et le Sénégal est en paix et dans la stabilité. Différence taille.

Le Sénégal est un pays pauvre mais que je sache, on n’est pas rationnés et on ne meurt pas de faim. Le retour de Wade après deux ans ne peut pas être comparé à celui de De Gaulle en 1944 sur les Champs Elysées, car DE GAULLE est venu avec LECLERC, DELATTRES DE TASSIGNIES et d’autres. Wade est venu seul et personne avec lui. Je m’explique, quand je dis que Wade est venu uniquement pour son Fils et qu’il faut méditer le discours de ce maître de la parole. Depuis toujours, il ne parle que de ce fils, de libérer ce fils. Mais le plus gros, et qui trahit les intentions profondes de Wade, c’est quand il a affirmé que Karim Wade sera celui qui fera face à Macky Sall au second tour en 2017. Là, ce n’est plus un slogan. Où est le PDS dans tout cela ?

Karim Wade serait toujours, aux yeux de Maître, le seul légitime et apte à accéder au pouvoir. Et ceux du Pds qui, depuis deux ans, luttent courageusement pour maintenir ce parti après la déroute de 2012, avec les saignées qu’a connu ce parti, ces hommes et femmes qui ont eu le courage de rester pour se battre ? Je pense que même le PDS n’intéresse plus Wade. Ce parti, à mon avis n’est désormais qu’un prétexte pour sortir son fils. J’ai la naïveté de le croire.

En conclusion, Macky doit être mieux entouré en termes de stratégie, et non en termes de discours de politiciens intéressés, dont la plupart sont capables de le quitter comme ils ont quitté d’autres. En outre, cette irruption de Maître Wade sur l’espace politique et qui a empêché les sénégalais de se concentrer sur l’essentiel depuis quelques jours doit être perçue comme un simple pansement sur une jambe de bois. RETROUVONS LE SENEGAL.

Professeur Samba TRAORE
Université Gaston Berger de Saint-Louis


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1.Posté par Véra le 02/05/2014 12:35
Belle analyse Mr Traoré.
Mais la faute ne revient-elle pas à notre justice,qui semble se prosterner devant les hommes au pouvoir?
Wade et ses souteneurs devraient rendre compte après avoir dilapidé nos maigres ressources,enrichi griots et parasites,corrompu "marabouts" et journalistes.

2.Posté par Bouba Diop le 02/05/2014 13:33
Analyse qui tient debout c'est sûr.
Véra, la justice de notre pays n'est pas indépendante, malheureusement. Elle est encore phagocytée par l'exécutif, donc par Macky, qui n'a jamais voulu s'attaquer directement à Wade. S'il l'a fait, c'est en s'attaquant à son fils. Ce que vous dénoncez est la stricte réalité, même s'il faut ajouter que cette CREI ne vaut pas une Haute Cour de Justice, qui aurait eu moins de failles juridiques. Même si Karim est reconnu coupable, ses recours juridiques seront légion, car les atteintes aux procédures et aux droits de l'homme dans son dossier sont également légion.

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