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Ces zones « oubliées du sport » : A Dagana, le sport peine à décoller

Samedi 26 Octobre 2013

Le sport à Dagana se résume à quelques actions qui sauvent l’honneur sur l’échiquier sportif national. A l’ombre de Saint-Louis, département qui donne son nom à la région, la capitale du Walo se cherche encore une place au soleil en dépit des bonnes dispositions de l’équipe de football de la Compagnie sucrière sénégalaise. Une formation qui a rejoint le purgatoire de la L2 de football au terme de la dernière saison. Une désillusion de plus pour la contrée qui enregistre tout de même les efforts d’acteurs qui s’investissent à l’image de l’inspecteur départemental des Sports, Pape Samba Ly.


Ces zones « oubliées du sport » : A Dagana, le sport peine à décoller
Outre l’équipe de l’Association sportive de la Sucrière (Assur, ex-Css) de Richard-Toll et l’As Dagana en football, la capitale du Walo est difficilement détectable sur la carte sportive du Sénégal. Si la première a, par moments, joué les premiers rôles en championnat national avant de descendre en Ligue 2 au terme de la dernière saison, la seconde se débat toujours pour rejoindre le football professionnel. Ce qui est caractéristique de la situation qui prévaut dans cette localité. Et si l’on se fie aux considérations de Pape Samba Ly, l’inspecteur départemental des Sports, la situation était pire il y a quelques années. « Avant notre arrivée en 2004, le Service départemental des sports n’était pas structuré. C’est le Cdeps qui assurait essentiellement la gestion et l’administration des sports dans le département ». Un manque de repère qu’il fallait rectifier au plus vite pour remettre le secteur sur les rails et qui a motivé les actions urgentes entreprises. Et « depuis, nous avons fait l’état des lieux afin de faire ressortir les manquements ; nous avons relevé des conflits de compétence qu’il fallait gérer, aplanir », ajoute-t-il. C’est ainsi qu’après cet exercice, un programme a été mis en place sur 4 ans, entre 2004 et 2008, pour donner corps à l’ambition de redynamiser le sport dans la contrée.

Quand le sport renaît de ses cendres
Mais le gros problème, ce sont les infrastructures. Malgré la volonté des acteurs, leur capacité d’action reste limitée. Toutefois, quelques collectivités locales font des efforts à l’image de la ville de Dagana qui « nous a construit un stade avec le partenariat de l’Agence de développement municipal (Adm) ». C’est un stade évolutif avec un certain nombre d’infrastructures à construire sur les lieux. Le problème, c’est que le stade n’est pas encore branché au réseau électrique de la Senelec pour permettre aux organisateurs de tenir leurs manifestations la nuit. Il s’y ajoute également que l’avènement de l’alternance a un tout petit peu freiné l’évolution du chantier. La commune de Richard-Toll a également son stade. Ndombo a, pour sa part, bénéficié d’un financement de l’Allemagne pour avoir une enceinte sportive alors que Bokhol et Ross Béthio ont les leurs grâce à l’Etat. Des infrastructures venues renforcer le lot d’initiatives menées par les passionnés qui évoluent localement. Et c’est à force de convaincre avec les résultats obtenus sur le terrain que les gens sont venus les appuyer et que les collectivités locales ont également suivi. Ainsi, avec le travail, beaucoup de disciplines ont été redynamisées, selon les dires de l’inspecteur. Il renseigne que l’As Dagana est alors parvenue à quitter la Nationale 2 pour la Nationale 1 avant de rater de peu la montée en Ligue 2. Dagana Basket Club qui évolue en D2 n’a, pour sa part, pas réussi à participer au tournoi de montée en D1. Aussi, aux côtés de ces deux disciplines, « nous avons assisté à la création du Comité départemental de gestion de la lutte (Cdgl) avec des répondants au niveau local, c’est-à-dire dans les collectivités locales, à l’exception de Ross Béthio et Diama qui attendent encore ». Les arts martiaux ne sont pas non plus en reste puisqu’ils sont également présents à Dagana avec le viet-vo-dao et le taekwondo, des disciplines dont l’essor est un peu retardé du fait du manque d’infrastructures. Car, ici, à l’exception du dojo de la Compagnie sucrière sénégalaise, il n’y a pas d’autres lieux où pratiquer les arts martiaux. Malgré tout, la passion et la volonté animent les acteurs qui forment les jeunes. Par ailleurs, les courses hippiques disposent d’un hippodrome à Dagana où se pratiquent les compétitions au plan local ; une infrastructure qu’il faut tout de même réhabiliter. Le canoë-kayak est également présent dans le Walo où les promoteurs locaux ont mis en place, dans la période allant de 2004 à 2008, un projet pour exploiter le plan d’eau avec le développement d’activités aquatiques. Ce, dans le cadre d’un partenariat entre Dagana et la ville française de Saint-Laurent Blangy. Cette dernière a même fait bénéficier au Sénégal de stage de formation.
A côté de la promotion de ces disciplines, le développement des infrastructures à même d’accueillir les pratiquants constitue une préoccupation du chef de service. Et Pape Samba Ly de se féliciter d’un certain nombre d’actions entreprises pour doter le département de structures d’accueil. Ainsi, renseigne-t-il, quelques collectivités locales font des efforts à l’image de la ville de Dagana.

Des actions pour sortir la tête de l’eau
Le département de Dagana existait à l’ombre de Saint-Louis sur plusieurs plans et particulièrement dans le domaine sportif. Ce qui fait qu’il a fallu presque tout refaire, selon le chef du Service des sports qui estime que « nous sommes partis de rien pour faire des progrès, mais il reste beaucoup de choses à faire ». Et il est difficile de faire le travail escompté dans ce vaste territoire avec les moyens qui manquent. A l’image du service qui est sous-équipé et sans véhicule pour nos déplacements. Pour s’en sortir, il s’agit donc de mutualiser les forces. « Nous travaillons tout de même en bonne collaboration avec tous les acteurs. Nous notons également des changements des mentalités chez les populations ». Mais avec les pouvoirs publics, il plaide pour la dotation de la localité en infrastructures mais aussi un renforcement dans le domaine de l’encadrement et de la formation en plus des moyens logistiques et humains pour le Service dont le fonctionnement est assuré par le seul inspecteur. Ce dernier sollicite un appui technique pour la formation des acteurs ; une tâche actuellement exécutée par « des éléments qui nous viennent de Saint-Louis dont le Service régional dispose souvent d’éléments formés », regrette-t-il. Il assure néanmoins qu’ils sont parvenus à organiser une session de formation en médecine du sport avec la 2ème promotion qui a récemment bouclé son apprentissage. En plus, il sollicite un appui pour la formation de formateurs pour avoir des éléments sur place qui seront mobilisables à tout moment. Il plaide surtout pour une union sacrée autour du sport pour permettre au secteur d’émerger. C’est dans ce sens qu’il estime qu’ « il nous faut faire appel aux anciens pour constituer les volontaires du sport. Il faut leur tendre la perche pour qu’ils fassent bénéficier les jeunes de leur expérience ».
Il mise également sur les petites catégories pour booster le sport dans la localité. C’est dans ce sens qu’il magnifie les initiatives de l’Académie Mimran avec la Css et Oumar Kâ qui a créé une école de football. Le centre de récupération des enfants en situation difficile mis en place à Richard-Toll en partenariat avec le Fc Barcelone va encore dans ce sens. Il estime toutefois que les petites catégories sont laissées en rade dans les navétanes avec les Asc qui n’ont pas toutes des équipes cadettes. Du coup, il souligne qu’il faut que ces équipes appliquent la réglementation qui exige qu’elles disposent de sections de petites catégories. Pour accompagner ces diverses initiatives, il renseigne que « pour les écoles de football, nous avons 20 initiateurs formés et qui ont créé des structures ».
Toutes choses qui le rendent optimiste pour le futur de la localité. « Avec tout cela, on peut dire que Dagana est une future place sportive avec beaucoup d’atouts à faire valoir. La polyvalence de ses sportifs qui ont des dispositions naturelles qu’il convient d’encadrer, de former », conclut-il.

La lutte à l’épreuve de l’informel
Chaque fin de semaine, Dagana vit au rythme de la lutte à travers les fameux «mbappats». Avec le football, cette discipline est la plus pratiquée dans le département. Mais, malgré le travail d’organisation et de professionnalisation de la discipline entamé depuis 2009 par le Comité départemental de gestion (Cdgl), elle peine à sortir totalement de l’informel.
Dagana, une ville de lutte ? La réponse est affirmative si l’on en croit Abdourahime Kane, conseiller municipal et président de l’Asc Dentel. « Nous avons une longue tradition de lutte. Ce n’est pas un hasard si Dagana a vu naître de grands champions comme Moussa Mbarodi et Maguèye Camara », argumente-t-il. Il ajoute que depuis plusieurs années, des séances de lutte traditionnelle, ces fameux «mbappats», sont organisées chaque fin de semaine. S’y ajoute le tournoi du maire qui se tient une fois par saison. Lequel a, selon lui, été institutionnalisé par l’actuel édile de la ville, Oumar Sarr qui « a beaucoup fait dans le cadre de la promotion de la lutte au niveau communal », s’est-il félicité.
Pour les tournois de lutte, le président de l’Asc Dentel estime qu’ils sont très suivis par le public. Quant aux cachets, Abdourahime Kane affirme qu’ils varient entre 50.000 FCfa et 500.000 FCfa ; de quoi motiver les acteurs. Les propos du président de l’Asc Dentel relatifs à la pratique courante de la lutte à Dagana sont confirmés par Abo Diop, le président du Comité départemental de gestion de la lutte (Cdgl). « La lutte est effectivement très pratiquée ici. La preuve, nous avons recensé 11 écuries dans la seule commune de Dagana et leur nombre dépasse de loin ce chiffre. Les écuries identifiées ne concernent que celles qui disposent de récépissé », révèle-t-il.
Quid des écuries dans le reste du département ? « Nous n’avons aucune idée de leur nombre », a lâché Abo Diop. Et de poursuivre : « La lutte locale n’est pas très bien organisée à Dagana, excepté dans la commune ». De l’avis du président du Cdgl, la lutte est encore dans l’informel dans le reste du département. Pourtant, rappelle-t-il, beaucoup d’efforts ont été faits par le Cdgl depuis sa mise en place en 2009 pour mieux organiser et professionnaliser la discipline.
« Quand nous avions mis sur pied le Cdgl, nous avions constaté que la lutte était dans l’informel le plus total dans tout le département de Dagana. C’est pourquoi nous avions rapidement mis sur pied un règlement et entrepris un travail en vue de rendre plus professionnelle la lutte », soutient le président de l’instance départementale de la lutte. Il rappelle qu’une mission d’identification des acteurs a été entamée dans le même cadre. « C’est ainsi que, révèle Abo Diop, nous avons confectionné des cartes pour les promoteurs et des licences pour les lutteurs ».
Il explique que c’est grâce à cette initiative que le nombre d’écuries dans la commune (11) a été connu. « Avant notre arrivée, les gens organisaient des combats de lutte comme ils voulaient. Mais actuellement, il faut avoir impérativement une carte de promoteur en bonne et due forme pour que sa manifestation puisse avoir une autorisation », martèle le patron de la lutte à Dagana. En dépit de ces réalisations, Abo Diop reconnaît que beaucoup de défis restent à relever. Par exemple, pour le travail d’identification des écuries, les choses n’ont pas marché comme le président du Cdgl l’aurait souhaité. « On a beaucoup insisté sur le fait que les écuries informelles devaient procéder à la reconnaissance juridique de leur structure, mais peu ont répondu favorablement à cette demande et ce sont les écuries de la commune », regrette-t-il. Le même constat est fait, d’après lui, sur la question des licences des lutteurs. « Quand on confectionnait les licences, on voulait surtout disposer d’une base de données pour déterminer le nombre de lutteurs dans le département ; mais peu ont acheté ces licences », constate-t-il, non sans regrets.

Défis
L’autre grande difficulté à laquelle est confronté le Cdgl constitue l’absence de moyens financiers conséquents. Ce qui, à coup sûr, constitue un vrai handicap dans sa mission d’organiser et de professionnaliser la lutte. « Nous n’avons pas de subventions encore moins de budget. Si nous continuons à fonctionner, c’est grâce uniquement à nos propres moyens, la vente des cartes de promoteurs qui coutent 30.000 FCfa l’unité et les droits d’organisation des combats de lutte qui s’élèvent à 25.000 FCfa », regrette-t-il. Pour autant, le président du Cdgl et son équipe n’entendent pas baisser les bras. D’ailleurs, dans le cadre de la diversification des sources de financement, Abo Diop et les siens comptent, très prochainement, organiser une tournée dans tout le département. « Nous entendons sillonner toutes les collectivités locales de Dagana. L’objectif est de les convaincre de nous appuyer afin que le Cdgl puisse s’acquitter convenablement de sa mission », annonce-t-il. La formation des techniciens ne sera pas laissée en rade. « A ce jour, 12 arbitres ont été formés grâce à l’appui de la Direction technique nationale (Dtn) ; mais nous allons en former plus, car ce n’est pas suffisant », se convainc-t-il.
Toujours dans le court terme, il est prévu une nouvelle opération coup de poing pour doter toutes les écuries de récépissé. Pour le long terme, Abo Diop et Cie veulent transformer les écuries en Groupements d’intérêt économique (Gie) afin d’aider les lutteurs à plus s’épanouir. « La lutte n’est plus une simple question de loisirs. Elle est devenue une véritable entreprise économique », souligne-t-il. Au niveau régional, Abo Diop souhaite une plus étroite collaboration entre le Cdgl et le Comité régional de gestion (Crg) de Saint-Louis. «Le Crg ne nous informe pratiquement pas et ne collabore pas avec le Cdgl. A part le drapeau du chef de l’Etat, il ne nous implique dans rien », déplore-t-il. Il précise qu’il est souvent obligé de « court-circuiter » cette structure pour pouvoir disposer de certaines informations. Enfin, sur la question des infrastructures sportives, le Cdgl va plaider pour que chaque collectivité locale du département puisse disposer d’une arène. Bref, c’est un programme très ambitieux que Abo Diop et son équipe comptent dérouler tout prochainement pour achever la phase de professionnalisation de la lutte à Dagana. Mais, en ont-ils seulement les moyens ? Pour une structure qui n’a ni subventions ni budget, la question est plus que pertinente.

Reportage de Diégane SARR, Ousseynou POUYE (textes) et Abdoulaye MBODJ (photos)
Le Soleil