« Le meilleur gouvernement est celui où il y a le moins d'hommes inutiles. »
De Voltaire
Nous sommes au volet final de notre réflexion sur la planification étatique où nous allons nous appesantir sur la nécessité pour un gouvernement de répondre à son exigence première d’être un appareil capable de résultats souhaités. En effet, le bon sens voudrait que les méthodes et techniques à la base de l’action gouvernementale ne puissent pas être des freins à l'évolution et à la croissance des différents secteurs d'une nation pauvre telle que la notre. Notre postulat est que l’héritage colonial d’un esprit de commandement et les procédures d’administration budgétaire actuelles sont un frein à l’efficacité du pouvoir exécutif. Ainsi, l’objet de notre réflexion, la planification stratégique est la solution à cette carence dans le sens où elle se focalise sur l’incubation, la programmation et l’exécution de l'action publique. Elle jette ainsi les bases d'une gestion étatique essentiellement axée sur le ratio entre les résultats fixés en amont et les résultats obtenus en aval.
En effet, une fois que les formes et les forces des territoires ont défini les fondements de la territorialité et que l'État s'est doté d'une organisation structurelle adaptée aux réalités intrinsèques des départements ministériels, vient alors le moment de l'implémentation du modèle de gestion des programmes et projets d'action publique fondée sur la culture de l'efficacité et le culte de la performance.
a) De l'efficience de l'appareil à l'efficacité de son action
Le principe d’efficacité se fonde sur le rapport entre les résultats obtenus et les résultats souhaités. En d'autres termes, c'est la mesure du « degré de réalisation des objectifs d’un programme ». Cela veut dire qu’un ministère doit commencer avant toute chose par lister les actions qui vont lui permettre de réaliser la vision sectorielle. Le principe de cette programmation est que pour chaque action qui se retrouve dans les différents projets d’un ministère, il faut prendre le soin de connaître son coût, le temps nécessaire à sa réalisation, l'acteur en charge de son exécution, le résultat que chaque action doit engendrer, l'indicateur qui nous permettra de vérifier si l'objectif est atteint et les moyens pouvant permettre d’identifier cet indicateur. Ainsi, le budget du ministère est éclaté en petites sommes d’argent et chaque somme d'argent représente le coût d'une action à exécuter. Par voie de conséquence, la somme des coûts des actions doit être égale au budget global du ministère.
On parle alors d'un budget-programme c’est à dire que :
1- chaque groupe d'action constitue un projet et ce projet vise son propre objectif spécifique.
2- Ensuite, les projets complémentaires composent un programme précis et concourent à la réalisation de l’objectif global du dit programme.
3- Enfin chaque programme vise un objectif global fixé par le ministère et l'ensemble des objectifs globaux des programmes du ministère vise à réaliser la vision sectorielle inspirée par le plan de développement économique et social (ici la PSE). Ainsi, le PSE ne saurait atteindre les résultats souhaités sans qu'une logique planificatrice et une gestion axée sur les résultats ne soient implémentées au cœur du système de management et de gestion des deniers publics.
b) Du budget par ligne au budget-programme
La planification stratégique propose donc une Gestion budgétaire Axée sur les Résultats (GAR) et qui s'oppose à la gestion par ligne budgétaire héritée de l'administration coloniale, et qui est fondée sur la vérification de la conformité des actes administratifs. Tenez vous bien, la gestion par ligne budgétaire veut dire que si une Direction nationale a consommé la somme inscrite sur une ligne budgétaire (carburant, fourniture et travaux, etc.) et qu'elle fournit les pièces administratives prouvant la régularité de la procédure administrative, alors on juge conforme la dépense ainsi effectuée. Voilà la logique de gestion axée sur la conformité administrative avec laquelle fonctionnent nos ministères depuis les indépendances. Notre administration n'est pas formatée pour une logique gestion qui serait axée sur les résultats. Il est pourtant évident qu'on ne peut pas mettre une nation sur les voies de l'émergence en le manageant suivant des principes hérités du colonisateur, c’est-à-dire une logique d’administration bureaucratique et de commandement des hommes. En lieu et place, nous devons muter vers un corps d’état renforcé et réorienté dans une logique d’incubation, de formulation, de programmation, de gestion et de évaluation de l’action publique. Même le budget investi en ressources humaines doit être évalué par apport à la productivité, au travail et surtout aux résultats obtenus versus résultats fixés.
c) les échelles de la planification stratégique.
Contrairement à la gestion par ligne de dépense, le budget-programme exige que les ministères se dotent de documents de planification et d'une cellule en charge de la planification sectorielle. Ces exercices de planification stratégique sont la stratégie nationale du secteur (SNS), la lettre de politique sectorielle (LPS) et le cadre de dépense sectorielle à moyen terme CDS-MT.
1- La Stratégie Nationale du Secteur ministériel est le document de référence et de justification des options politiques et sert de cadrage aux exercices de programmation à venir. C’est une stratégie qui donne les grandes orientations gouvernementales sur un horizon de 12 à 15 ans, et non 20 ou 30 ans, ce qui est excessivement long, contre-productif et source de décalage entre les fondements de la vision politique et les réalités contextuelles de sa programmation stratégique. C'est notamment l'une des erreurs de planification de la PSE dont l'horizon temporel de 30 ans n'est pas compatible avec le rythme accéléré recherché et cela biaise son adaptabilité dans les ministères. Un exemple simple, il faudrait 6 lettres de politique sectorielle de 5 ans pour chaque ministère pour couvrir l'horizon temporel de la PSE, où encore 3 présidents de la république ayant obtenu 2 mandats de 5 ans chacun. À vous de juger de la pertinence d'un tel choix technique.
2-Le second document de Planification est la Lettre de Politique Sectorielle (LPS) qui porte sur trois ou cinq ans. Elle décline la vision en vigueur dans le secteur et les objectifs de développement que les acteurs du système se sont donnés comme mission de façon concertée et inclusive. De cette vision sectorielle va naître alors les quatre ou cinq principaux programmes qui vont concourir à la réalisation des objectifs globaux du ministère. Dans chaque programme il y aura deux à trois projets qui viseront les objectifs spécifiques du programme et dans chaque projet une liste des actions organisées, selon la logique du coût, du temps, des indicateurs et du principe d'imputabilité.
3- Le troisième document est le Cadre de Dépense sectorielle à Moyen-Terme (CDS-MT). Il s'étend sur une année et épouse le cycle budgétaire du département ministériel. Grâce à ce document, chaque annuité de la lettre de politique sectorielle devient une programmation budgétaire respectant les sommes allouées au département ministériel pour l'année considérée. Ainsi, il devient facile de comprendre la pertinence de l'action ministérielle et surtout de vérifier l'utilisation des fonds alloués et on ne pourra plus ressortir les mêmes rubriques de dépense chaque année.
d – le lien fonctionnel entre les trois dimensions de la planification étatique :
La planification stratégique, se distingue des autres formes de planification parce qu’elle pose l’obligation de l’efficacité sous le prisme du temps et des ressources. La question de la performance se pose ainsi dès lors qu’on impose un temps précis et les ressources mesurées pour atteindre un résultat précis. Pour ces raisons, le processus de migration des budgets par ligne vers une gestion budgétaire par les projets et programme devrait être une priorité du gouvernement actuel, s’il tient réellement à atteindre les résultats souhaités.
Mais au préalable, Je dois préciser qu’une Planification stratégique (programmation de l’action publique) ne peut réussir sans qu’une planification globale (organisation de la structure de l'État) et une planification spatiale (territorialisation des politiques publiques) ne l’aient précédée. La planification stratégique est tributaire du degré de perfectionnement des deux autres formes de planification étatique. Si le sujet (État) n’est pas efficient et que l’objet de son action (les territoires) est mal compris, alors nous pouvons raisonnablement douter que l’action (programmes et projets) ne soit pas bien préparée et que les résultats escomptés ne soient pas atteints. Voilà ce qui explique mon scepticisme vis-à-vis de la PSE. Le Sénégal traine les pieds, le défi de la mise en œuvre est loin d'être relevée. Les Partenaires techniques et financiers le savent bien, car à plusieurs reprises, des financements ont été bloqués et des délégations sénégalaises critiquées pour des manquements liés à la qualité des résultats et/ou le niveau d'exécution des programmes (notamment notre faible capacité à absorber les fonds alloués). Le ministre de l'Économie et des Finances, qui vante les mérites de notre capacité de gestion lors de la rencontre de Paris, sait pertinemment que son propre ministère ne peut déclencher le modèle de gestion des deniers publics axée sur les résultats (GAR) si tous les ministères n'ont pas leur LPS et leur CDS-MT. Le Ministère de l'Économie et des Finances (MEF) a besoin d'avoir son propre cadre de dépense à moyen terme (CDMT) pour faire une gestion axée sur les résultats. En réalité, le CDMT du MEF sera la somme des CDS-MT de tous les ministères. Et au moment où je vous parle, des ministères consument les deniers publics suivant des lignes de dépense qui sont réinscrites l’année d’après et épuisées sans exigences de résultats. Le fait d'avoir logé la PSE à la présidence est un aveu de taille sur l'inefficacité de nos ministères quand il est question de faire des résultats. Mais, c'est aussi une décision risquée que de se priver de ses ministères en lieu et place d’opter pour un changement du paradigme de gestion.
En conclusion, je plaiderai pour l’instauration d’une planification spatiale, globale et stratégique, car elle s’impose comme le seul moyen d’arriver à des résultats souhaités. La GAR (Gestion axée sur les résultats) doit être érigée en culte pour une gouvernance qui se dit sobre et vertueuse.
Ainsi, au-delà des interrogations liées à une politique économique extravertie, avec le postulat jamais vérifié depuis l’avènement de l’humanité que les capitaux étrangers peuvent développer un pays ;
Au-delà de la curiosité suscitée par une stratégie d'investissement massif dans les infrastructures, alors que nos entreprises nationales ne peuvent pas réaliser ces projets d’infrastructures, ce qui se traduit par une récupération des capitaux privés par les étrangers et une fuite des capitaux public ;
Au-delà des risques connus liés à l’abus du levier financier qu'est l'emprunt pour investir, avec le risque des intérêts débiteurs, c’est véritablement l’absence d’une ingénierie de la planification et d’une gestion axée sur les résultats qui risque de plomber la PSE à son envol. En somme, nous dirons que la planification étatique requiert un très haut niveau de complexité et le fait d’avoir peur du risque de ne rien comprendre à cette complexité, n’est pas une excuse pour tout simplifier au risque de ne rien réaliser. Et si certains disent que quand c’est trop complexe on ne comprend rien, répondez-leur que quand c’est trop simple on n’apprend rien et on n’arrive à rien non plus. Car comme le disait l’évêque et écrivain Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) : « Le Gouvernement est un ouvrage de raison et d’intelligence. »
Moussa Bala Fofana (Canada-Montréal) – ctfofana.matcl@gmail.com
* Conseiller Financier en Banque - Investissement, Placement et Produits Financiers.
* Représentant en Épargne collective accrédité Autorité des Marchés Financiers du Canada.
* Chef de Projet en Planification de la Politique des Pouvoirs Publics.
* Ingénieur d’Étude en Planification Spatiale (aménagement et urbanisme) de l’INPL – Institut National Polytechnique Lorraine
- Spécialiste en Sociologie du Développement, des Organisations et de l’Action Publique
- Expert en Développement Territorial, Développement Économique Local et Transfrontalier
De Voltaire
Nous sommes au volet final de notre réflexion sur la planification étatique où nous allons nous appesantir sur la nécessité pour un gouvernement de répondre à son exigence première d’être un appareil capable de résultats souhaités. En effet, le bon sens voudrait que les méthodes et techniques à la base de l’action gouvernementale ne puissent pas être des freins à l'évolution et à la croissance des différents secteurs d'une nation pauvre telle que la notre. Notre postulat est que l’héritage colonial d’un esprit de commandement et les procédures d’administration budgétaire actuelles sont un frein à l’efficacité du pouvoir exécutif. Ainsi, l’objet de notre réflexion, la planification stratégique est la solution à cette carence dans le sens où elle se focalise sur l’incubation, la programmation et l’exécution de l'action publique. Elle jette ainsi les bases d'une gestion étatique essentiellement axée sur le ratio entre les résultats fixés en amont et les résultats obtenus en aval.
En effet, une fois que les formes et les forces des territoires ont défini les fondements de la territorialité et que l'État s'est doté d'une organisation structurelle adaptée aux réalités intrinsèques des départements ministériels, vient alors le moment de l'implémentation du modèle de gestion des programmes et projets d'action publique fondée sur la culture de l'efficacité et le culte de la performance.
a) De l'efficience de l'appareil à l'efficacité de son action
Le principe d’efficacité se fonde sur le rapport entre les résultats obtenus et les résultats souhaités. En d'autres termes, c'est la mesure du « degré de réalisation des objectifs d’un programme ». Cela veut dire qu’un ministère doit commencer avant toute chose par lister les actions qui vont lui permettre de réaliser la vision sectorielle. Le principe de cette programmation est que pour chaque action qui se retrouve dans les différents projets d’un ministère, il faut prendre le soin de connaître son coût, le temps nécessaire à sa réalisation, l'acteur en charge de son exécution, le résultat que chaque action doit engendrer, l'indicateur qui nous permettra de vérifier si l'objectif est atteint et les moyens pouvant permettre d’identifier cet indicateur. Ainsi, le budget du ministère est éclaté en petites sommes d’argent et chaque somme d'argent représente le coût d'une action à exécuter. Par voie de conséquence, la somme des coûts des actions doit être égale au budget global du ministère.
On parle alors d'un budget-programme c’est à dire que :
1- chaque groupe d'action constitue un projet et ce projet vise son propre objectif spécifique.
2- Ensuite, les projets complémentaires composent un programme précis et concourent à la réalisation de l’objectif global du dit programme.
3- Enfin chaque programme vise un objectif global fixé par le ministère et l'ensemble des objectifs globaux des programmes du ministère vise à réaliser la vision sectorielle inspirée par le plan de développement économique et social (ici la PSE). Ainsi, le PSE ne saurait atteindre les résultats souhaités sans qu'une logique planificatrice et une gestion axée sur les résultats ne soient implémentées au cœur du système de management et de gestion des deniers publics.
b) Du budget par ligne au budget-programme
La planification stratégique propose donc une Gestion budgétaire Axée sur les Résultats (GAR) et qui s'oppose à la gestion par ligne budgétaire héritée de l'administration coloniale, et qui est fondée sur la vérification de la conformité des actes administratifs. Tenez vous bien, la gestion par ligne budgétaire veut dire que si une Direction nationale a consommé la somme inscrite sur une ligne budgétaire (carburant, fourniture et travaux, etc.) et qu'elle fournit les pièces administratives prouvant la régularité de la procédure administrative, alors on juge conforme la dépense ainsi effectuée. Voilà la logique de gestion axée sur la conformité administrative avec laquelle fonctionnent nos ministères depuis les indépendances. Notre administration n'est pas formatée pour une logique gestion qui serait axée sur les résultats. Il est pourtant évident qu'on ne peut pas mettre une nation sur les voies de l'émergence en le manageant suivant des principes hérités du colonisateur, c’est-à-dire une logique d’administration bureaucratique et de commandement des hommes. En lieu et place, nous devons muter vers un corps d’état renforcé et réorienté dans une logique d’incubation, de formulation, de programmation, de gestion et de évaluation de l’action publique. Même le budget investi en ressources humaines doit être évalué par apport à la productivité, au travail et surtout aux résultats obtenus versus résultats fixés.
c) les échelles de la planification stratégique.
Contrairement à la gestion par ligne de dépense, le budget-programme exige que les ministères se dotent de documents de planification et d'une cellule en charge de la planification sectorielle. Ces exercices de planification stratégique sont la stratégie nationale du secteur (SNS), la lettre de politique sectorielle (LPS) et le cadre de dépense sectorielle à moyen terme CDS-MT.
1- La Stratégie Nationale du Secteur ministériel est le document de référence et de justification des options politiques et sert de cadrage aux exercices de programmation à venir. C’est une stratégie qui donne les grandes orientations gouvernementales sur un horizon de 12 à 15 ans, et non 20 ou 30 ans, ce qui est excessivement long, contre-productif et source de décalage entre les fondements de la vision politique et les réalités contextuelles de sa programmation stratégique. C'est notamment l'une des erreurs de planification de la PSE dont l'horizon temporel de 30 ans n'est pas compatible avec le rythme accéléré recherché et cela biaise son adaptabilité dans les ministères. Un exemple simple, il faudrait 6 lettres de politique sectorielle de 5 ans pour chaque ministère pour couvrir l'horizon temporel de la PSE, où encore 3 présidents de la république ayant obtenu 2 mandats de 5 ans chacun. À vous de juger de la pertinence d'un tel choix technique.
2-Le second document de Planification est la Lettre de Politique Sectorielle (LPS) qui porte sur trois ou cinq ans. Elle décline la vision en vigueur dans le secteur et les objectifs de développement que les acteurs du système se sont donnés comme mission de façon concertée et inclusive. De cette vision sectorielle va naître alors les quatre ou cinq principaux programmes qui vont concourir à la réalisation des objectifs globaux du ministère. Dans chaque programme il y aura deux à trois projets qui viseront les objectifs spécifiques du programme et dans chaque projet une liste des actions organisées, selon la logique du coût, du temps, des indicateurs et du principe d'imputabilité.
3- Le troisième document est le Cadre de Dépense sectorielle à Moyen-Terme (CDS-MT). Il s'étend sur une année et épouse le cycle budgétaire du département ministériel. Grâce à ce document, chaque annuité de la lettre de politique sectorielle devient une programmation budgétaire respectant les sommes allouées au département ministériel pour l'année considérée. Ainsi, il devient facile de comprendre la pertinence de l'action ministérielle et surtout de vérifier l'utilisation des fonds alloués et on ne pourra plus ressortir les mêmes rubriques de dépense chaque année.
d – le lien fonctionnel entre les trois dimensions de la planification étatique :
La planification stratégique, se distingue des autres formes de planification parce qu’elle pose l’obligation de l’efficacité sous le prisme du temps et des ressources. La question de la performance se pose ainsi dès lors qu’on impose un temps précis et les ressources mesurées pour atteindre un résultat précis. Pour ces raisons, le processus de migration des budgets par ligne vers une gestion budgétaire par les projets et programme devrait être une priorité du gouvernement actuel, s’il tient réellement à atteindre les résultats souhaités.
Mais au préalable, Je dois préciser qu’une Planification stratégique (programmation de l’action publique) ne peut réussir sans qu’une planification globale (organisation de la structure de l'État) et une planification spatiale (territorialisation des politiques publiques) ne l’aient précédée. La planification stratégique est tributaire du degré de perfectionnement des deux autres formes de planification étatique. Si le sujet (État) n’est pas efficient et que l’objet de son action (les territoires) est mal compris, alors nous pouvons raisonnablement douter que l’action (programmes et projets) ne soit pas bien préparée et que les résultats escomptés ne soient pas atteints. Voilà ce qui explique mon scepticisme vis-à-vis de la PSE. Le Sénégal traine les pieds, le défi de la mise en œuvre est loin d'être relevée. Les Partenaires techniques et financiers le savent bien, car à plusieurs reprises, des financements ont été bloqués et des délégations sénégalaises critiquées pour des manquements liés à la qualité des résultats et/ou le niveau d'exécution des programmes (notamment notre faible capacité à absorber les fonds alloués). Le ministre de l'Économie et des Finances, qui vante les mérites de notre capacité de gestion lors de la rencontre de Paris, sait pertinemment que son propre ministère ne peut déclencher le modèle de gestion des deniers publics axée sur les résultats (GAR) si tous les ministères n'ont pas leur LPS et leur CDS-MT. Le Ministère de l'Économie et des Finances (MEF) a besoin d'avoir son propre cadre de dépense à moyen terme (CDMT) pour faire une gestion axée sur les résultats. En réalité, le CDMT du MEF sera la somme des CDS-MT de tous les ministères. Et au moment où je vous parle, des ministères consument les deniers publics suivant des lignes de dépense qui sont réinscrites l’année d’après et épuisées sans exigences de résultats. Le fait d'avoir logé la PSE à la présidence est un aveu de taille sur l'inefficacité de nos ministères quand il est question de faire des résultats. Mais, c'est aussi une décision risquée que de se priver de ses ministères en lieu et place d’opter pour un changement du paradigme de gestion.
En conclusion, je plaiderai pour l’instauration d’une planification spatiale, globale et stratégique, car elle s’impose comme le seul moyen d’arriver à des résultats souhaités. La GAR (Gestion axée sur les résultats) doit être érigée en culte pour une gouvernance qui se dit sobre et vertueuse.
Ainsi, au-delà des interrogations liées à une politique économique extravertie, avec le postulat jamais vérifié depuis l’avènement de l’humanité que les capitaux étrangers peuvent développer un pays ;
Au-delà de la curiosité suscitée par une stratégie d'investissement massif dans les infrastructures, alors que nos entreprises nationales ne peuvent pas réaliser ces projets d’infrastructures, ce qui se traduit par une récupération des capitaux privés par les étrangers et une fuite des capitaux public ;
Au-delà des risques connus liés à l’abus du levier financier qu'est l'emprunt pour investir, avec le risque des intérêts débiteurs, c’est véritablement l’absence d’une ingénierie de la planification et d’une gestion axée sur les résultats qui risque de plomber la PSE à son envol. En somme, nous dirons que la planification étatique requiert un très haut niveau de complexité et le fait d’avoir peur du risque de ne rien comprendre à cette complexité, n’est pas une excuse pour tout simplifier au risque de ne rien réaliser. Et si certains disent que quand c’est trop complexe on ne comprend rien, répondez-leur que quand c’est trop simple on n’apprend rien et on n’arrive à rien non plus. Car comme le disait l’évêque et écrivain Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704) : « Le Gouvernement est un ouvrage de raison et d’intelligence. »
Moussa Bala Fofana (Canada-Montréal) – ctfofana.matcl@gmail.com
* Conseiller Financier en Banque - Investissement, Placement et Produits Financiers.
* Représentant en Épargne collective accrédité Autorité des Marchés Financiers du Canada.
* Chef de Projet en Planification de la Politique des Pouvoirs Publics.
* Ingénieur d’Étude en Planification Spatiale (aménagement et urbanisme) de l’INPL – Institut National Polytechnique Lorraine
- Spécialiste en Sociologie du Développement, des Organisations et de l’Action Publique
- Expert en Développement Territorial, Développement Économique Local et Transfrontalier