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Zawiya Kawsara de Dakar : visite guidée d’un sanctuaire de la Tidjanya

Vendredi 31 Mai 2013

Dakar. Sud-Foire, sur les deux voies de la cité Sipres. C’est dans l’imposante mosquée qui surplombe ce quartier huppé de la capitale sénégalaise où nous allons effectuer une visite-découverte, profitant de l’occasion pour nous livrer à notre passion journalistique. En cet après-midi jaune de mai, le soleil déverse l’éclat de ses rayons sur le minaret de vingt-sept (27) mètres et fait briller l’épigraphe de la façade principale sur laquelle sont inscrits ces mots : « Mosquée Aboul Abass - Cheikh Ahmad Atijani ».


Zawiya Kawsara de Dakar : visite guidée d’un sanctuaire de la Tidjanya
Nous y entrons au moment où le muezzin empoigne le micro pour faire vibrer le quartier du troisième appel à la prière de la journée. Ce secteur qui abrite cette maison d’Allah majestueuse est appelé Kawsara, du nom d’une rivière sacrée du paradis. La sourate coranique éponyme (Sourate 108) invite au sacrifice et à la prière pour une Abondance ici-bas et dans l’au-delà. Seulement ici, il ne s’agit aucunement de se limiter à la prière et au sacrifice. On s’instruit, apprend et travaille également. Entendons par là que Kawsara est un domaine dont la mosquée de 2000 mètres carrés est l’une des composantes.

FOCUS SUR L’INITIATEUR

Le promoteur et imam de cette zawiya, issu de l’élite maraboutique du pays, est un vrai manager. Serigne Mouhamed Ahmed Tidiane Sall il se nomme, fils de Serigne Abass de Louga il s’agit. Il est un homme de foi. De foi et de conviction que l’on voudrait d’abord tracer le portrait pour montrer qu’au Sénégal, il existe des religieux musulmans dont le poids de l’investissement honore l’Islam.

Ce marabout sexagénaire séduit. Évidemment par sa grande détermination à orienter ses coreligionnaires vers le droit chemin. Il est un exemple. Par son engagement profond à servir son pays à travers divers secteurs d’activité. À ce titre, une avalanche de réalisations dans le domaine éducatif, religieux et économique porte son empreinte. Lesquelles réalisations sont favorables à l’épanouissement spirituel, professionnel, intellectuel et social de la personne humaine en général, et particulièrement du musulman.

En vérité, il a bâti un empire islamique dont la source de motivations n’est pas de se faire un nom, mais de participer à la construction nationale. Car de l’honorabilité et la célébrité, son ascendance maraboutique peut lui en fournir à gogo. Mais Mouhamed Ahmed n’est pas homme à bomber le torse pour se glorifier de la noblesse familiale. Loin s’en faut ! Il en fait plutôt une mission. Comme l’a si bien rappelé Bouna Alboury Ndiaye, ce fils de roi qui préféra le minbar au trône, à travers cette citation : « Je suis fils de... n'est pas une médaille d'honneur à mettre sur la poitrine, mais un sacerdoce pour se mettre au service de son peuple ». Bien entendu, l’homme que nous présentons est un citoyen qui incarne le modèle parfait.

En le voyant dans ses habitudes quotidiennes, on est prêt à jurer qu’il tient sa confiance de Hitler, hérite son engagement citoyen de De Gaulle, a appris son élégance des cours de développement personnel des grandes universités anglo-saxonnes. Il n’en est rien de tout cela. Cet homonyme à la fois du Sceau des prophètes et du Pôle caché a plutôt exploité le triptyque suivant : sa chance d’être musulman, sa fierté d’être tidiane et l’honneur d’être membre de la chapelle de son paternel, Cheikhana Abass notamment.

Natif de Saint-Louis où est originaire sa mère Sokhna Ramatoulaye Diagne dont on ne parlera jamais assez tout le mérite, Serigne Ahmed débarque à Louga en 1960 sur ordre paternel alors qu’il avait dix ans au compteur. Ce, pour y apprendre le Coran auquel il était déjà initié par un marabout nommé Serigne Modou Cissé. Sous les auspices d’un Maure dépêché de Mauritanie, il mémorise le Livre saint en un temps record. Une mémorisation tellement rapide que Serigne Abass prit-il le soin de la vérifier. En se faisant accompagner durant ses déplacements, de son jeune fils, pour le tester sur sa supposée maitrise du Coran, à n’importe quel moment, sur n’importe quelle sourate, devant chaque verset. Le résultat de son test confirma la délibération du maître mauritanien. Qui connaît l’attachement viscéral de Serigne Abass aux « Paroles de Dieu » doit deviner qu’il ne pouvait ne pas réagir à cette joyeuse nouvelle. À l’honneur du jeune Mouhamed Ahmed, il lui offrit une fête à laquelle étaient présents tous les élèves du Daara. Serigne Ahmed confirme lui-même que cette cérémonie, ajoutée à la confiance que lui avait accordée son maitre maure -qui le confiait les élèves en cas d’empêchement-, font partie des éléments qui ont travaillé son courage, favorisé son sens de la responsabilité et façonné sa personnalité d’aujourd’hui.

Une fois le Coran par cœur, il s’initia aux livres de jurisprudence islamique par le biais de plusieurs professeurs dont les plus illustres sont Serigne Assane Gaye de Louga, Serigne Yankhoba Fall de Saint-Louis et Serigne Abass qui, satisfait du niveau de son élève, décida de l’envoyer apprendre la langue arabe en Égypte. À peine âgé de 17 ans, voilà que la porte de l’étranger lui fut ainsi ouverte.

Nous sommes en 1967, le 17 février précisément. Serigne Ahmed foule le sol égyptien au même moment où son père lui dédie un poème de 9 vers, composé en bakhr bassit (vers libres). Ce poème, aussi visionnaire qu’invocateur, rend compte de l’estime d’un père à l’endroit de son dauphin qui, une fois au pays des pharaons, n’a rien fait de moins que de s’inscrire à la prestigieuse université Al Azhar où se forment, comme depuis toujours, les héritiers de nos marabouts.

Dans les études comme dans toutes les fonctions qu’il occupera plus tard, Serigne Ahmed fait preuve de volonté inouïe de réussir, de rigueur et d’abnégation sans limites. D’ailleurs, cette fougue explique le Hajj (grand pèlerinage à La Mecque) qu’il réussit à accomplir à seulement 24 ans. En effet, tout commença durant l’Été 1974. Alors qu’il honorait un emploi de vacances dans un restaurant de Frankfurt, en Allemagne, le futur promoteur de Kawsara fut informé de la participation de son père au prochain Pèlerinage. Voulant l’assister et faire du tarbiya (soumission parentale), l’étudiant se rendit aux Lieux saints de l’Islam. Il paya son billet à partir de la rémunération de son travail d’Été dont les 2/3 étaient déjà envoyés à ses parents. Après avoir effectué ce cinquième pilier de l’Islam, le Cheikh au vitiligo mystique fit l’honneur d’accompagner son fils jusque dans sa chambre d’étudiant d’Égypte où il effectua la prière du crépuscule.

Revenant sur les études du jeune marabout, il faut rappeler qu’au bout de 10 ans, il fut nanti du Brevet secondaire, du baccalauréat, de la Licence et la maitrise en droit islamique. Il va sans dire qu’à ce stade, le jeune étudiant pouvait prétendre à trouver un travail qui sied à sa formation.

Ainsi en 1977, à l’issue d’un concours très sélectif auquel il postula, celui qui eut très tôt l’ingénieuse idée de se former dans la langue de Molière sera recruté au Ministère sénégalais des Affaires étrangères. Avec l’interprétariat comme première activité, il sera ensuite promu conseiller culturel aux ambassades du Sénégal en Algérie et au Koweït. Sa fonction diplomatique cesse en 1989, l’année à laquelle il démissionna de la fonction publique sénégalaise en tant que membre de la hiérarchie A, pour se consacrer à ses activités personnelles. S’il a agi de la sorte, c’est parce qu’il a saisi le sens des propos de son père à qui il demandait conseil à propos de sa carrière professionnelle : « Le mieux pour toi serait que tu viennes au Sénégal t’occuper de tes affaires privées, le matin et de la mosquée, le soir ». Par conséquent, le marabout-diplomate entamait une nouvelle vie. Laquelle vie sera désormais consubstantielle au label Kawsara.

QU’EN EST-IL DU LABEL KAWSARA ?


Après s’être retiré du Ministère des Affaires étrangères en 1989, Mouhamed Ahmed fonda dans la même année deux organisations qui, depuis leur création, font parler d’elles de plus en plus. Il s’agit du West African Trading Investment and Construction (WATIC) et du Rassemblement Islamique pour la Culture et la Paix (RICP). Si la première organisation est une entreprise privée dont le déchiffrement du sigle anglais indique son domaine d’intervention, la seconde qui nous intéresse est une ONG d’obédience religieuse qui s’assigne comme objectif principal, la promotion de la religion musulmane et l’entente entre les peuples. D’ailleurs, le RICP servira de base à l’édification de la Zawiya Kawsara sur son site actuel qui dépasse l’hectare, obtenu auprès des autorités de l’époque. Durant cette période, soit vingt-deux ans derrière nous, le quartier était vide, voire inhabité. La tâche d’y réaliser des projets n’était pas chose aisée, mais Sall n’est pas ce genre d’individu qui recule devant la difficulté.

La détermination qu’on lui connait fait que le chantier de la mosquée fut entamé et vite achevé. Aujourd’hui, elle attrait toute la population environnante souhaitant vivre convenablement sa foi musulmane. La minutie observée dans la prière est des plus appréciée. De même que les beaux airs du khadara et du wasifa sont en passe d’être le protecteur-secret de la zone. Notons aussi que le marabout y organise, en même tant que la zawiya-mère de Louga, le Maouloud et la laylatoul khadr (nuit de la destinée). En sa qualité d’homme ouvert et affranchi du conservatisme religieux, il a préféré décentraliser ces deux grands événements islamiques afin de mieux étendre les tentacules de l’Islam et de la Tidjanya. Mais aussi de donner la possibilité à des milliers de musulmans de profiter du projet d’éducation islamique proposé par l’illustre Cheikh de Louga.

En plus de la mosquée, Kawsara donne une importance invraisemblable à l’éducation religieuse et la formation basée sur l’éthique et la morale islamique. Raison pour laquelle, un complexe islamique nommé Groupe Collège Université Islamique est érigé en son sein. Dans ce complexe, la continuité de l’enseignement dispensé par un corps professoral émérite permet à l’enfant d’y entrer sans maitriser l’alphabet pour y sortir employable dans les grandes entreprises.

Étant donné qu’on y retrouve un jardin d’enfants Aboul Abass Ahmad Tidiane, composé de trois sections et un collège moyen et secondaire du même nom, répartissant ses élèves dans les séries L, S et G. Même si le programme officiel national y est respecté, la particularité du Groupe est qu’une attention est donnée à l’enseignement arabe, du Coran et de la pratique religieuse islamique. Ce choix est certainement guidé par cette phrase inscrite dans l’une des rubriques du site web du groupe (www.cium.freehostia.com) et qui stipule que c’est « (…) pour faire survivre l’éthique dans un monde plongé dans le tourbillon du matérialisme, laissant dans l’oubli total les éternelles valeurs spirituelles humaines (…) ». Voilà qui est clair.

À cela, s’ajoute le Collège Université Islamique (CUIM) créé en 2009 et qui propose des formations allant du premier au second cycle universitaire. Logé à quelques jets de pierre du préscolaire, dans un immeuble R+4, le CUIM est la première université islamique reconnue par l’État du Sénégal. Toutes les filières du management y sont enseignées, y compris le secteur en vogue de la finance islamique. L’année prochaine, le système LMD sera expérimenté dans de nouvelles filières telles l’Agriculture, la Géologie, etc.

Des projets dans le futur, le président de la RICP n’en manque pas. Car Kawsara changera de visage pour bientôt. De fait, entre autres programmes, deux bâtiments R+4 seront édifiés pour enrichir le patrimoine immobilier du collège. Aussi, la construction d’un minaret long de 99 mètres (équivalent de 33 étages) est en gestation. Appelé « le minaret de 99 », il fait clin d’œil aux « cent moins un » noms d’Allah (asmAoul housnA). Ce faisant, sur chaque mètre, un nom d’Allah sera inscrit. Seul un produit de la spiritualité comme Serigne Ahmed peut expliquer les raisons d’un tel choix... mystique. Bien qu’ayant hérité sa réserve de la diplomatie, il ne fait rien par hasard et peut toujours fournir des explications sur ce qu’il fait. À titre d’exemple, à la mort de Serigne Abass, c’est lui qui osa indiquer le lieu où il est enterré. Aux curieux qui souhaitèrent savoir plus sur les motivations de sa décision, il leur fournit cette courte réponse : « Je l’avais rêvé depuis l’enfance ». Pardi !

En fin de compte, l’on saisit pourquoi le manitou du Groupe Aboul Abass Ahmad Tidiane est un homme de défi et de conviction. Sans conteste, il est un modèle par excellence qui prouve comment un « ndongo daara » peut, d’un « rien », aller à l’assaut de la recherche de profit et grimper vertigineusement toutes les étapes de la pyramide d’Abraham Maslow. Si nos chefs religieux osent davantage ce qu’il a réussi, le défi colossal de faire renaître une société des valeurs serait relevé. Bon vent à Kawsara !

Mansour Gaye


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